Pour cette rentrée et après un été marqué par les évènements météorologiques, je propose un billet qui résume de manière très générale la façon dont l’individu perçoit le changement climatique et les différentes manières de s’y adapter. Cette réflexion se base notamment sur les observations que j’ai pu faire durant la réalisation de ma thèse de doctorat et sur ma pratique d’aujourd’hui en tant que psychologue-psychothérapeute.

L’environnement : un sujet d’actualité selon les évènements…

Je suis parfois sollicitée pour apporter mon regard scientifique au sujet de la manière dont l’individu s’adapte ou pourquoi il ne s’adapte pas au changement climatique. Ces demandes sont plus fréquentes lors d’évènements météorologiques importants (inondations, vagues de chaleurs) et portent généralement sur le « déni climatique ». Certaines des personnes que j’accompagne au sein du cabinet expriment d’ailleurs de l’incompréhension à ce sujet car elles ont l’impression que le thème de l’environnement n’est abordé qu’à certains moments (ex : évènements météorologiques exceptionnels, élections…) alors que le changement climatique représente un phénomène continue qui s’accentue au fil du temps.

La perception du changement climatique…

La manière dont l’individu s’adapte au changement climatique et aux effets associés va être liée à la façon dont il évalue la situation environnementale. Les travaux montrent notamment que le changement climatique peut parfois être perçu comme étant abstrait. En psychologie, un phénomène est qualifié d’abstrait lorsqu’il est perçu comme étant distant d’un point de vue spatial (loin de chez moi), social (victimes qui ne font pas partie de mon groupe social), temporel (dans plusieurs décennies), et hypothétique (faible probabilité d’occurrence). On note également que les individus ont parfois du mal à faire le lien entre le changement climatique anthropique et les effets observés.

… en lien avec les stratégies d’adaptation

Ensuite, l’inaction des individus et des institutions est parfois expliquée par le « déni climatique ». Certaines recherches montrent deux grands types de stratégies pour faire face aux bouleversements environnementaux et au changement climatique : les stratégies centrées sur le problème, et les stratégies décentrées du problème.

Parmi les stratégies centrées sur le problème, on peut retrouver la recherche de solutions et l’expression des émotions. C’est-à-dire que l’on admet qu’il y a une situation sur laquelle notre comportement peut faire la différence, peut avoir une utilité.

La deuxième famille de stratégies, dites décentrées du problème, renvoie à de la résignation, à de l’optimisme soutenu, à la volonté de garder plaisir dans ses activités, ou encore à de la relativisation. Ces stratégies minimisent l’influence anthropique et dépendent notamment de la manière dont on perçoit la situation (abstraite vs concrète), du contrôle perçu quant à la situation, et de la capacité d’action perçue. Leur vocation commune est de gérer son stress et les émotions ressenties face à ces menaces environnementales et au changement de son mode de vie.

Et donc… Comment enclencher le changement de comportement ?

Face à ce constat, la grande question qui revient fréquemment est : comment faire pour enclencher le changement de comportements ? Voici quelques pistes de réflexions (liste bien évidemment non-exhaustive) :

  1. La communication : l’appel à la peur accentue le sentiment d’incontrolabité et les stratégies d’évitement. Il est essentiel d’associer les campagnes de sensibilisation à des actions concrètes, réalisables facilement, et peu coûteuse d’un point de vue psychologique.
  2. Le contexte : encourager certains comportements nécessite que des critères contextuels soient rassemblés. Par exemple, si l’on souhaite encourager l’usage des modes actifs, il faut donner la possibilité aux individus d’accéder à ce mode de transport, que les réseaux routiers soient praticables et sécurisants, qu’ils puissent transporter les enfants le cas échéant…
  3. La cohérence : il est important que les discours et actions collectives soient cohérentes. Cela permet (1) de prévenir la dissonance cognitive et d’encourager les individus à mettre en accord leur attitudes et leurs comportements ; et (2) de réduire, l’impression de dilemme entre les intérêts personnels et collectifs.
  4. S’appuyer sur des valeurs et les normes : les valeurs construisent l’identité et sont donc relativement stables dans le temps. En s’appuyant sur les valeurs individuelles, on favorise les comportements sur le long terme puisque l’individu essaiera de mettre en place une routine en accord avec ces valeurs et son mode de vie. Le fait de faire émerger et/ou encourager des normes de groupes sont également de puissant vecteurs de changement.

Pour conclure…

Il me semble essentiel de souligner que certains auteurs considèrent que les comportements humanitaires et altruistes sont une forme de comportements pro-environnementaux. Cette considération implique le vecteur humain dans cette protection de l’environnement et de la biodiversité. Aussi, il semble primordial de travailler en co-construction, de considérer les émotions et le sentiment d’insécurité de chacun, et des possibilités d’action à l’échelle individuelle et collective. Il va de soi d’accompagner les victimes directes des effets du changement climatique, qui peuvent également souffrir de solastalgie ; mais aussi des personnes qui sont en souffrance face aux bouleversements à venir. L’éco anxiété s’inscrit donc dans une cadre plus large qui est celui du bien-être psychologique et du besoin de soutien social.

Ecoutes recommandées :

Cet été fut également l’occasion de découvrir deux podcasts très intéressants que je vous encourage vivement à écouter :

  • Super Green Me qui met notamment en évidence l’important de la norme sociale lorsque l’on souhaite changer ses habitudes
  • Chaleur humaine, épisode 7 « Climat : Comment ne pas déprimer ? »